Business Immo : Que vous inspire la nomination de Cécile Duflot aux commandes du Grand Paris ?
Jérôme Dubus : La première remarque, c’est que Cécile Duflot, ministre de l’Egalité des territoires et du Logement, ne porte pas le titre du Grand Paris dans ses attributions officielles. Dans ce nouveau gouvernement, le Grand Paris a disparu en termes d’affichage. Nous ne pouvons que regretter qu’un ministre de plein exercice n’ait pas été retenu. Pour autant, les entreprises franciliennes réaffirment leur volonté de continuer le travail autour du Grand Paris et souhaitent poursuivre le dialogue avec Cécile Duflot. Le Medef Ile-de-France insiste cependant sur la nécessité de ne pas remettre en cause les principes du projet, en particulier le tracé de Grand Paris/Express. Le Grand Paris commence à être appréhendé par les acteurs nationaux et connu à l’international. Revenir sur des décisions votées par la représentation nationale, au terme de concertations entre tous les acteurs concernés, viendrait retarder ce projet important pour les entreprises. Ce serait nuire à l’attractivité et la compétitivité non seulement de la place parisienne, mais de l’ensemble de l’économie française dans le concert international.
BI : Dans ses premières déclarations, Cécile Duflot a néanmoins remis en cause la concertation menée dans le cadre du Grand Paris.
JD : Pourtant la concertation a bel et bien eu lieu. Le Grand Paris n’est plus au stade de la réflexion, mais de l’action. La Société du Grand Paris est opérationnelle et dotée de moyens financiers pour agir. Il ne saurait être question de remettre en cause son rôle de maître d’ouvrage dans la réalisation du Grand Paris au profit, comme on l’entend çà et là, du Stif (Syndicat des transports en Ile-de-France) qui doit assurer la gestion des nouvelles infrastructures de transport. L’enjeu est important.
BI : Le transport est-il le seul enjeu du Grand Paris pour les entreprises franciliennes ?
JD : Avec le logement, c’est le principal. Dans le transport, nous avons perdu depuis 20 ans toute notre avance à force d’immobilisme. Depuis l’achèvement de la ligne Eole en 1991, pas une nouvelle infrastructure de transports publics n’a été développée en Ile-de-France. Dans le même temps, les infrastructures existantes ont vieilli et les conditions de transports des salariés se sont dégradées. On le ressent notamment dans les entreprises par un niveau plus important de stress qui, in fine, pénalise la productivité. Pour les entreprises, le Grand Paris est un projet qui doit nous permettre, dans un premier temps, de rattraper le retard pris. Le schéma général des nouvelles infrastructures de transport nous semble un bon compromis entre les objectifs initiaux de l’Etat et de la région. Il faut désormais entrer dans le concret. Ce que Madrid a fait en 5 ans dans le réaménagement de ses transports, nous ambitionnons de le faire en 15 ans. C’est long, toujours trop long. Autant ne pas perdre de temps à l’allumage.
BI : Sur le logement, quels sont les besoins des entreprises ?
JD : Le constat est simple : on produit autour de 40 000 logements par an alors que l’on recense 400 000 demandeurs de logements en région francilienne. Pour combler ce retard, il faudrait produire autour de 70 000 logements chaque année. Ce sont les objectifs assignés par les promoteurs du Grand Paris. Pour les entreprises, la question devient urgente. Peuvent-elles loger leurs salariés ? Aujourd’hui, non. En plus d’être dans une zone tendue, les entreprises franciliennes pâtissent de la ponction systématique du 1 % logement, lequel est tombé à 0,45 % depuis 1991. Le gouvernement a entériné un prélèvement supplémentaire pour financer l’Anru et l’Anah, soit 3,2 Mds€ supplémentaires sur les trois prochaines années. Les entreprises ont tenté de faire baisser l’importance de cette contribution. En vain. En revanche, elles ont dû réduire le niveau des actions en faveur des salariés de 1 million de bénéficiaires en 2006 à 620 000 en 2010. Avec l’ensemble des partenaires sociaux, nous avons conclu un accord pour préserver le 1% logement en nous engageant à réduire encore le nombre d’organismes collecteurs, de 20 à 10 certainement, et de les adosser plus solidement aux ESH. En associant davantage les collecteurs aux producteurs, nous espérons réduire le coût de gestion du 1% logement qui a été le point faible du dispositif.
BI : Les ambitions du projet du Grand Paris vous donnent-elles satisfaction sur ce plan ?
JD : Le problème n’est pas tant sur les objectifs du Grand Paris que dans la réalité du Sdrif. La dernière version du Schéma directeur d’aménagement de la région Ile-de-France (2008) a ramené à 34 000 hectares l’offre foncière disponible à l’horizon 2030. Cela ne permet pas de produire 60 000 à 70 000 logements par an. Le Conseil régional demeure dans une politique malthusienne du foncier. Or, la libération du foncier disponible reste la condition sine qua non du développement de l’offre de logements en Ile-de-France. Nous voulons que le Sdrif 2012 prenne en compte cet objectif de production, avec une relance du logement locatif intermédiaire qu’il faudrait porter à 14 000 unités par an dans la région. Parallèlement, nous plaidons pour un renforcement de la densité, là où le foncier potentiel est inexistant. Nous croyons à une politique de bonus de COS à condition que ce type de mesure recueille l’assentiment des collectivités locales. La proposition émise par Nicolas Sarkozy de permettre un renforcement de 30 % des droits à construire va dans le bon sens, même si elle n’a pas été comprise par les élus et les professionnels. Le Medef Ile-de-France milite pour un relèvement des droits à construire, en particulier autour des nouvelles gares du réseau du Grand Paris. Il s’agit de lutter contre l’étalement urbain en favorisant la reconstruction d’une ville dense.
BI : Cette proposition serait-elle plus efficace que le blocage des loyers ?
JD : Assurément. Je crois que cette mesure d’encadrement des loyers va davantage faire fuir les investisseurs de l’immobilier résidentiel que résoudre les problèmes d’accès au logement des Franciliens. D’autant que nous ne constatons pas de réelles dérives des loyers en dépit d’une pénurie d’offres sur le marché.
BI : Vous êtes contre le blocage des loyers dans le résidentiel mais, en revanche, vous plaidez pour une régulation du marché des bureaux. Comment expliquez-vous ce grand écart idéologique ?
JD : Parce que nous ne sommes pas dans la même situation de tension. Autant le secteur du logement souffre d’un déficit d’offres, autant l’immobilier d’entreprise est en sur-production. 4,5 millions de m2 de bureaux ont été livrés entre 2006 et 2012, dont la moitié à moins de 8 km de la place de la Concorde et les deux tiers dans l’Ouest parisien. Nous constatons que ces volumes excèdent la capacité d’absorption des entreprises que l’on estime autour de 500 000 m2 par an. Cette surproduction nuit, in fine, à la qualité du parc qui se détériore, en particulier dans l’hyper-centre parisien. C’est pourquoi nous souhaitons que le Sdrif puisse optimiser sur le marché de l’immobilier d’entreprise sur le plan spatial, notamment par une régulation de l’offre de bureaux. Il s’agit, par exemple, de préserver des terrains et des locaux pour les entreprises, en particulier dans des endroits stratégiques en termes de transports. Ou encore les activités logistiques dans la révision du Sdrif.
BI : Que répondez-vous à ceux qui jugent que le projet du Grand Paris continue de favoriser l’Ile-de-France au détriment des régions ?
JD : La philosophie du projet du Grand Paris est de doper la croissance économique de l’Ile-de-France qui, contrairement aux idées reçues, a été inférieure à celle des régions et des grandes métropoles européennes. Le Grand Paris est un projet d’investissement qui doit nous permettre de remettre de la croissance dans l’économie francilienne, laquelle va bénéficier à l’ensemble du pays. A l’exception de l’Allemagne, c’est toujours la région capitale qui tire un pays sur le plan économique.
BI : En attendant de doper l’économie, c’est plutôt le niveau des taxes qui a enflé avec le Grand Paris. Comment réagissez-vous aux augmentations annoncées ?
JD : C’est une pluie de taxes qui s’est effectivement abattue sur les entreprises. La taxe sur les bureaux, commerces et locaux de stockage a augmenté, en moyenne, de 65 % en 2011, avec des disparités selon les départements, allant de + 41 % dans le Val-de-Marne et en Seine-Saint-Denis jusqu’à + 180 % dans les Yvelines. Ainsi, le produit de la taxe bureaux est passé de 393 M€ à plus de 646 M€ en un an. S’y ajoutent la taxe pour création de bureaux (112 M€), la taxe spéciale d’équipement (118 M€) et surtout le versement transport qui se monte à plus de 3,1 Mds€. Nous estimons que, toutes taxes confondues, les entreprises franciliennes auront versé de l’ordre de 4 Mds€ en 2011. Les entreprises devraient contribuer pour près d’un tiers au financement du Grand Paris, soit un apport de 8 à 9 Mds€ dans le cadre de nouvelles ponctions fiscales. Nous ne pourrons plus longtemps supporter une telle pression fiscale. Au niveau des transports, nous demandons que l’usager prenne sa part dans le financement des transports en commun, qui ne représente que 27 % du coût final aujourd’hui. Pour le financement du réseau du Grand Paris, le Medef plaide pour des alternatives comme le PPP (partenariat public-privé) qui a le mérite de pouvoir enclencher immédiatement les projets. Car tout retard dans la mise en œuvre du Grand Paris est synonyme de perte de d’attractivité et de compétitivité de la région Capitale.
BI : Le projet du Grand Paris va-t-il permettre d’améliorer la gouvernance de la région francilienne que vous dénoncez à l’occasion de la révision du SDRIF ?
JD : Pour l’heure, c’est la confusion la plus totale. Nous sommes face à un empilement et un enchevêtrement institutionnel qui ne constitue pas un pouvoir d’agglomération. En dépit des multiples rapports qui ont été produits, aucune avancée sérieuse n’a été enregistrée. Le Medef Ile-de-France est favorable à une réforme institutionnelle en profondeur de la région qui passerait notamment par la suppression des quatre départements de la capitale et de la petite couronne au profit d’une nouvelle communauté urbaine qui travaillerait en liaison avec les autres départements de la région francilienne. Le Grand Paris pourrait être l’occasion de remettre à plat la gouvernance en Ile-de-France.
18 juillet 2012 | 12:10 CET
« Les 200 000 entreprises franciliennes veulent le Grand Paris »
Jérôme Dubus - Medef Ile-de-France
Par Gaël Thomas
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