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23 mai 2012 | 11:03 CET

« Je suis candidat à ma succession »

Philippe Pelletier, Lefèvre Pelletier et Associés

Business Immo : Quel bilan dressez-vous du Plan Bâtiment Grenelle ?
Philippe Pelletier : Je retiens d’abord la méthode. Pour reprendre l’expression d’Alain Maugard lors de la dernière assemblée générale du Plan Bâtiment Grenelle, nous avons réalisé quelque chose d’inouï : pour la première fois, nous avons réuni au sein des groupes de travail des personnes qui, jusque-là, ne se parlaient pas et qui ont appris à s’écouter et à définir ensemble un projet. On ne s’en rend plus compte aujourd’hui car tout cela nous semble banal, mais ça ne l’est pas ! Ce qui est intéressant dans l’idée même du Grenelle de l’Environnement, qui met en lien cinq familles - le patronat, les syndicats, les ONG, les collectivités territoriales et l’Etat, auxquelles ont été ajoutés récemment les consommateurs – c’est qu’elles n’avaient pas l’habitude de se parler. La prise de conscience est double : le thème de la facture énergétique et du réchauffement climatique est un sujet majeur, qui dépasse nos intérêts catégoriels, et le défi est tellement important qu’il ne peut que se relever collectivement. La méthode que nous avons appliquée se démarque du processus ordinaire d’élaboration des textes et les professionnels sont largement associés. Le Plan Bâtiment Grenelle s’inscrit dans un temps long, avec des acteurs qui ne sont pas pré-formatés et des sujets qui ne sont pas décidés à l’avance.
        
BI : Cette méthode explique qu’il n’y ait eu que six décrets parus sur les quinze attendus dans le cadre de la loi Grenelle II ?
PP : Sûrement pas ! Certes, nous avons pu contribuer à retarder la parution du décret sur la RT 2012 de plusieurs mois, car nous avions estimé le texte inachevé : nous avons donc engagé une nouvelle phase de concertation au terme de laquelle des aménagements techniques ont été apportés. Cela ne signifie pas que nous ralentissons pour autant le Plan Bâtiment Grenelle.
        
BI : Qu’est-ce qui explique le retard pris dans la parution du décret sur la rénovation du parc tertiaire existant ?
PP : Nous sommes arrivés trop tard pour que les ministres puissent mettre le texte proposé par Maurice Gauchot en musique, avant de partir en campagne électorale. Nous avons manqué de temps. Mais le décret sera un sujet du 2e semestre 2012.
        
 
Le Plan Bâtiment Grenelle s’inscrit dans un temps long, avec des acteurs qui ne sont pas pré-formatés et des sujets qui ne sont pas décidés à l’avance.
BI : Sur les résultats maintenant, êtes-vous satisfait de votre bilan ?
PP : Sur le fond, on peut toujours mieux faire… Commençons par citer ce que nous avons bien fait. Et d’abord le lancement d’une dynamique du côté de la demande comme de l’offre. Du côté de l’offre, le plan de lutte contre la précarité énergétique a été pour nous un sujet essentiel : il s’agit du programme « Habiter Mieux », géré par l’Anah et doté de 1,35 Md€. Pour la première fois en France, nous faisons des visites à domicile auprès des ménages en situation de grande précarité pour les convaincre de s’engager dans un système d’accompagnement et de financement local de leurs travaux. C’est une démarche innovante qui vise à aider, dans un premier temps, 300 000 propriétaires-occupants sur 2010-2017. Du côté des entreprises, il y a une prise de conscience croissante que si elles n’obtiennent pas rapidement la mention « Reconnu Grenelle de l’Environnement », elles ne pourront plus faire de travaux bénéficiant d’aides publiques. Avec la mise en place du réseau des Plates-formes Bâtiment-Energie Grenelle, nous voulons aussi encourager l’innovation en regroupant les acteurs qui vont ainsi échanger leur savoir et leurs compétences autour d’une thématique propre, là sur le bois, ici sur les éco-matériaux ou les bâtiments Bepos, par exemple. Nous avons ainsi identifié neuf lieux en France, chacun avec sa propre thématique. Et bientôt un dixième dans le Sud de la France avec celui du climat méditerranéen. Notre rôle a été de les mettre en lien et de soutenir leurs demandes de financement dans le cadre des investissements d’avenir. Quatre sur neuf ont déjà obtenu ce soutien. Concernant l’offre de services, nous avons également inventé le réseau inter-clusters qui est hyper dynamique. Toutes ces initiatives sont très « grenelliennes » puisqu’elles mettent en œuvre une même idée : travaillons ensemble ! Du côté de la demande, nous avons contribué à une sensibilisation forte du grand public, à travers notamment l’affichage des Diagnostics de performance énergétique (DPE). Nous avons été innovants sur les outils contractuels, comme l’éco-prêt à taux zéro collectif des copropriétés. Je n’étais pas certain d’avoir l’accord du ministère de la Justice pour permettre aux copropriétés d’emprunter, ce qui est désormais permis par l’article 103 de la loi Warsmann. De même, j’ai obtenu du ministère de la Justice la possibilité de faire voter les copropriétaires ensemble sur des travaux dans les parties privatives – les fenêtres par exemple - car il s’agit d’un intérêt collectif. Cette intrusion dans le droit de propriété est légitime car elle participe à l’efficacité énergétique de la copropriété.
        
BI : Quelles sont les déceptions ?
PP : Nous en avons deux, autour du difficile sujet de la rénovation. Dans le logement, la mise en œuvre de l’éco-prêt à taux zéro pour les ménages n’a pas encore bien fonctionné. C’est une bonne idée, mais nous avons fait une erreur de casting : nous avons demandé aux banques de contrôler la qualité des travaux éligibles, donc de regarder le devis et voir s’il était bien compatible avec la règle. Ce système a échoué. J’ai été chargé de proposer un plan B, une amélioration de l’éco-prêt à taux zéro, qui peine à se mettre en œuvre. Il a été voté, mais les textes d’application ne sont pas encore sortis. Ce sera un des premiers sujets de la prochaine équipe gouvernementale. Le deuxième point décevant est de ne pas avoir encore mis en place le décret sur la rénovation du parc tertiaire à partir des travaux du groupe de travail de Maurice Gauchot. Ce sera un autre sujet de la prochaine équipe.
        
BI : L’éco-prêt à taux zéro est compatible avec la volonté de certains politiques de « désintoxiquer » le logement des aides publiques ?
PP : Oui, tout à fait : l’aide est modeste, son principal intérêt est d’étaler le remboursement dans le temps et d’y faire contribuer les économies d’énergie ; la bonification d’intérêt se récupère sur la fiscalité des banques. C’est un coût de quelques centaines de millions d’euros par an pour l’Etat. Dans ce dispositif, nous proposons un bouquet de travaux, dont l’efficacité tient à la conjonction de plusieurs actions : l’isolation du toit et le changement de la chaudière, par exemple. Lorsqu’on coordonne deux ou trois actions ensemble, on optimise nécessairement l’efficacité énergétique de son logement. C’est une voie d’action simple, de nature à changer nos logements. Le jeu en vaut la chandelle !
        
 
Le plan de lutte contre la précarité énergétique a été pour nous un sujet essentiel : il s’agit du programme « Habiter Mieux », géré par l’Anah et doté de 1,35 Md€.
BI : L’écologie a été absente de la campagne à l’élection présidentielle. Craignez-vous que l’on casse la dynamique du Grenelle de l’Environnement ? PP : Non, il existe une dynamique à droite comme à gauche sur ce sujet, même si nous aurons connu un intermède de six mois de déficit de la parole publique sur le Plan Bâtiment Grenelle. L’absence de débat s’explique par le fait que ce n’est pas un sujet différenciant pour les candidats. La parenthèse ainsi mise sur le Plan Bâtiment Grenelle n’est pas plus inquiétante que celle concernant d’autres sujets Mais, surtout, je considère aujourd’hui que l’Etat a fait l’essentiel du travail : c’est à la sphère privée de s’emparer du Plan Bâtiment Grenelle et de l’inscrire dans le chemin de la croissance. Il faut sortir de cette addiction aux injonctions et subventions publiques que certains professionnels réclament encore à ce jour.

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