Tous les territoires, par principe, ont droit à la qualité de vie, la qualité urbaine et l’équité sociale. Or la grande périphérie des villes, souvent urbanisée au gré du laisser-faire, est généralement considérée comme un élément « raté » du développement des métropoles, s’accroissant sans visions et sans ambitions.
Depuis plusieurs décennies, beaucoup de ces territoires périurbains connaissent une croissance démographique forte. Cette croissance a été accompagnée à certains endroits d’un développement d’activités économiques, incarné entre autres par les centres commerciaux périphériques, dont le nombre a explosé.
La faible gouvernance de ces espaces, résultant de la fragmentation territoriale des communes, n’a jusqu’alors pas permis – à de rares exceptions près – d’organiser une maîtrise du processus territorial. Généralement, la configuration de ces territoires est constituée d’un étalement pavillonnaire, répondant à la pression d’une évolution urbaine accélérée, plus ou moins encadrée par la planification urbaine réglementaire (SCoT, PLU).
Pourtant, il est possible de conférer des qualités aux territoires périurbains en s’appuyant sur leur identité et leurs atouts.
Dans le cas des territoires déjà urbanisés, il s’agit de penser leur régénération, dans tous les sens du terme. Dans le cas de ceux qui vont se développer, il serait bon de remettre en cause le modèle encore à l’œuvre en France, celui de l’étalement urbain et de la croissance continue des centres commerciaux périphériques. Le sujet est complexe. Le Club Ville Aménagement, qui regroupe une quarantaine d’aménageurs urbains, s’en est saisi et il le mettra en débat lors de ses « Entretiens », qui se dérouleront à Toulouse les 20 et 21 juin 2019.
Penser l’avenir des territoires périurbains passe par ailleurs par une inversion du regard sur leurs qualités et leurs potentiels.
Partir des qualités et non des problèmes amènerait à s’appuyer sur leur rapport à la nature, leur paysage, la qualité des bourgs qui les composent, le patrimoine bâti, urbain et naturel qui est le leur, mais aussi la modicité du coût du logement. Cette logique pourrait s’articuler avec un futur où le travail à distance se développerait, les modes de déplacements se diversifieraient, l’ensemble constituant une alternative au tissu urbain dense en offrant une qualité de vie et une qualité urbaine renouvelées.
Ceci passe par l’arrêt des lotissements périphériques sans qualités et sans âme au profit de la régénération et de la modernisation du bâti existant ainsi que celle de l’espace public hérité de l’histoire, à combiner avec une offre numérique satisfaisante. Ouvrir les perspectives à l’échelle de ces territoires s’impose pour entrer dans une logique proactive, imaginative et rendre ces territoires désirables.
Mais pour voir émerger cette logique, une démarche volontaire à plusieurs niveaux s’avère nécessaire.
Il faut commencer par appréhender ces territoires à la bonne échelle, celle des bassins de vie. Ils recouvrent souvent plusieurs intercommunalités, qui seront donc appelées à s’entendre sur des objectifs communs. Quelle place réserver à l’agriculture ? Comment articuler la fonction résidentielle entre les bourgs et les quartiers périurbains ? Comment organiser les déplacements individuels, collectifs, les nouvelles formes de mobilité et les services publics en combinant grande échelle et microterritoires ? Cela en mettant en valeur les paysages qui sont ici des composantes essentielles de l’espace public.
Évidemment, cette vision relève de choix politiques des élus concernés. Mais la mise en œuvre de cette vision n’ira pas sans une démarche combinant des outils de planification, de prospective et un processus de co-élaboration avec les citoyens, clé de son acceptabilité, via pourquoi pas des budgets participatifs comme cela se pratique dans les métropoles du nord et du sud de l’Europe.
Il est temps d’organiser une maîtrise d’ouvrage collective, alliant les métropoles, les communautés de communes et les départements. Ce qui permettrait de mutualiser les ressources d’ingénierie existantes, mais aussi de penser le développement des aires urbaines à une échelle plus large, plus pertinente pour aborder les questions d’habitat, de déplacements, de services publics et bien d’autres. Une impulsion de l’État sera probablement nécessaire pour engager ce processus.
Les difficultés du périurbain montrent qu’il y a urgence à doter la France d’une organisation territoriale qui soit enfin en phase avec la réalité des bassins de vie.
Les maires, par leur proximité et leur engagement quotidien, incarnent la personnalisation du rapport des citoyens à la vie publique. C’est essentiel. Mais nombre de compétences communales doivent migrer vers l’intercommunalité pour être exercées à la bonne échelle. Alors officialisons ce rôle des maires dans une mission pérenne d'interface entre les citoyens et les différents niveaux de la gouvernance territoriale, et confions aux intercommunalités les compétences qui permettront au projet urbain de voir le jour, en étant attentif à ne pas les opposer.