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3 novembre 2017 | 18:51 CET

Bercy a perdu le grand prix de l’innovation fiscale… au profit de Matignon. Enfin, d’une officine des services du Premier ministre, France Stratégie, qui, dans une note très détaillée sur la résorption des dettes publiques en zone euro, propose une bombe pour le secteur immobilier. Je cite : « Une voie qui permettrait à un État excessivement endetté [serait] de décréter qu’il devient copropriétaire de tous terrains construits résidentiels ». Un nouveau droit de la propriété incessible qui permettrait à l’Etat de percevoir ainsi un loyer correspondant à un droit d’occupation du sol. Loyer qui se transforme en dette pour le propriétaire qui choisit de ne pas payer cette nouvelle dîme, l’État touchant la quote-part de son dû au moment de la vente ou de la transmission du bien.
Par ce tour de passe-passe, l’État devient ainsi créditeur, se re-solvabilise à bon compte par une augmentation à peine déguisée de l’impôt, et améliore sa qualité de signature lui permettant d’aller tirer de nouvelles lignes de financement et… de continuer de creuser gentiment mais sûrement la dette.
Comment en est-on arrivé à vouloir tirer toujours sur la même cible ? La faute à la (trop) bonne santé du secteur. France Stratégie souligne qu’en 20 ans, le patrimoine des Français, et notamment immobilier, a considérablement augmenté pour représenter 485 % du PIB (dont 255 % de patrimoine immobilier net) quand le niveau de la dette publique explosait de 56 % à 100 % du PIB. La belle affaire ! Les Français seraient donc responsables d’une trop bonne gestion de leur patrimoine alors que l’État a fait preuve d’un certain amateurisme dans l’administration des finances publiques, quand il ne s’agit pas de gabegie ?
France Stratégie justifie le « boom » des prix immobiliers par une appréciation du prix des terrains, qui représente presque la moitié de la valeur du patrimoine brut immobilier. Et une bonne part de cette valeur s’explique par la « nature des services et infrastructures publics se trouvant à proximité ». Quoi de plus normal que de toucher sa part du gâteau ! La note ne dit pas que les acteurs publics, collectivités territoriales en tête, ont participé directement à cette surenchère du foncier. Ni même que l’État, par les droits de mutation, la taxe foncière ou encore d’habitation, perçoit déjà une partie de cette création de valeur.
France Stratégie avance des arguments pour le moins discutables sur les conséquences d’une telle mesure, soulignant qu’elle est « moins porteuse d’instabilité » que des coupes budgétaires ou une augmentation des impôts. Il s’agit quand même d’un nouvel impôt. Cette nouvelle taxe toucherait davantage les ménages les plus fortunés (dont quelques-uns s’acquittent de l’IFI) et ne devrait donc pas impacter leur niveau de consommation. C’est oublier un peu vite l’effet psychologique d’une telle réforme qui pourrait réactiver l’exil des hauts revenus et en partie des hauts potentiels. Enfin, France Stratégie y voit un moyen de faire baisser instantanément la valeur des biens immobiliers. Là, on veut bien les croire car avec une nationalisation des terrains, on organise un formidable contre-choc d’attractivité. Tout le monde connaît la proportion d’un nouvel impôt à dépasser son assiette initiale. Qui nous dit que l’État ne pourrait pas revendiquer sa quote-part de propriété pour le terrain d’un bâtiment à usage économique ?
Qualifiée pudiquement de « choc politique », la mesure imaginée par France Stratégie se heurte quand même à quelques obstacles juridiques, à commencer par le droit de propriété inscrit dans la constitution.  Pour autant, cette note d’un think tank qui se dit indépendant participe à la petite musique de fond anti-immobilier... même si  l'entourage d'Edouard Philippe juge ces mesures "farfelues".