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15 novembre 2021 | 9:50 CET

Les limites des routes de la soie

Point de vue de Nicolas Yiri, agent immobilier Congo-Brazzaville/Sénégal, animateur d’un Observatoire régional immobilier francophone africain (Orifa)
Par Business Immo Staff
Business Immo

L’Afrique est un continent constitué d’une mosaïque de pays aux histoires et destinées différentes. Il ne s’agit pas d’un patchwork réunissant les pays les uns aux autres, mais plutôt d’un puzzle où chaque pièce participe d’un ensemble tout en ayant son identité propre. Il semble important de rappeler cette réalité pour éviter les préjugés et les jugements à l’emporte-pièce où l’arbre d’un pays éventuellement en instabilité cacherait la forêt de nations stables et en croissance.

Tous les pays ne vont pas être logés à la même enseigne. Ceux qui affichent une stabilité politique, sans se prononcer sur la nature du régime, auront nécessairement plus d’attrait que ceux habitués à l’instabilité. Ceux qui semblent le moins à risque par rapport à un terrorisme islamiste qui a fait de l’Afrique un nouveau territoire d’action seront privilégiés, car s’y implanter sera évidemment moins coûteux en matière sécuritaire que d’autres. Ceux qui proposent un environnement juridique maîtrisé et rassurant pour les investisseurs – autant que pour leurs citoyens – attireront plus que ceux qui ne disposent pas des mêmes administrations et droits.

Autant d’évidences qui, hélas, ne sont pas encore partagées par tous et donnent parfois le sentiment de pouvoir être remises en cause de façon soudaine.

La Chine l’a bien compris avec sa politique dite des « routes de la soie » visant à s’implanter dans des pays via des investissements en infrastructures visant à exploiter les richesses ou les ressources d’un pays. Ports, mines, terres agricoles ont été particulièrement ciblés, permettant de répondre à des besoins propres à la Chine. Si l’enthousiasme devant cette manne tombée du ciel a été réel au début, depuis quelque temps, les pays concernés semblent découvrir les conséquences d’engagements donnés un peu rapidement et qui se heurtent ensuite à une realpolitik ferme dans le respect des contrats. Des pays défaillants dans leurs remboursements se retrouvent dépossédés de parties de leur territoire qui passent sous pavillon chinois.

En somme, nous allons peut-être prochainement rentrer dans un cycle où la Chine va progressivement perdre sa capacité de séduction, essentiellement fondée sur ses moyens, au profit des pays occidentaux historiquement présents, qui peuvent espérer recouvrer leur influence.

Maintenant, ce possible renversement d’opinion ne se fera pas rapidement et de nombreux pays ne peuvent pas ignorer les avantages offerts par ces routes de la soie ; l’exemple du Togo est, à cet égard, intéressant. Loin d’être le mieux doté en richesses naturelles, ce pays a su composer avec une façade maritime lui ayant permis de développer un port en eau profonde qui est devenu une plate-forme de première importance économique. Par ailleurs, petit pays en superficie et en démographie, le Togo a misé sur la création de zones franches lui ayant permis d’accueillir des entreprises de toutes natures. Autant d’atouts qui ont attiré l’attention des Chinois qui ont proposé d’investir dans les infrastructures, les réseaux électriques, l’exploitation du phosphate, attendant peut-être le moment où une défaillance financière du Togo leur permettra de faire main basse sur l’infrastructure ou la ressource.

L’absence de la Chine au G20 et son attitude pour le moins timorée au regard des enjeux de la COP26 – alors que l’environnement et le développement durable ne sont pas des sujets ignorés en Afrique – pourraient lui faire perdre une forme de légitimité ouvrant de nouveaux espaces de présence pour les pays occidentaux tels que la France.