Limiter l’artificialisation des sols, c’est conserver d’importants stocks de carbone pour atteindre les objectifs climatiques à horizon 2050. Il est donc indispensable de protéger les sols les plus riches en carbone, en particulier les sols forestiers, les prairies permanentes et les zones humides.
En plus d’éviter, réduire et compenser : maximiser le stockage carbone des sols
Protéger les sols, c’est aussi protéger leur capacité future à stocker encore plus de carbone. L’augmentation de ce stockage carbone, possible via la mise en œuvre d’une série de pratiques principalement agricoles, est considérée comme un levier majeur pour atteindre la neutralité carbone, tant par la Stratégie nationale bas carbone (SNBC) que par le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec). C’est dans cette optique que la France, dans le sillage des Accords de Paris, a lancé l’initiative internationale « 4p1000 » visant à augmenter de 0,4 % par an le stockage de carbone des sols mondiaux. Cela permettrait de compenser la croissance de nos émissions de gaz à effet de serre.
Projection de la fonction de puits de carbone des sols (trait pointillé)

Source : SNBC, ministère de la Transition écologique et solidaire, 2020, p. 187
Le graphique ci-dessus indique l’évolution, historique et projetée, de la fonction puits de carbone de la forêt et du secteur des terres. Le trait en pointillé est une projection montrant l’augmentation de sa capacité à stocker du carbone. Pour parvenir à un tel résultat, trois moyens complémentaires sont mentionnés par la SNBC : l’augmentation du stockage carbone des terres agricoles, la gestion forestière et la mise en place de l’objectif zéro artificialisation nette (ZAN) pour 2050.
Placer l’objectif zéro artificialisation nette au service de la neutralité carbone
Dans cette perspective, la loi dite Climat et résilience du 22 août 2021 introduit l’objectif de zéro artificialisation nette des sols à horizon 2050. Elle fixe également un objectif intermédiaire de division par deux de la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers d’ici 2031.
S’il est un point étonnant de la loi Climat et résilience, c’est le manque d’articulation entre la lutte contre l’artificialisation et la Stratégie nationale bas carbone : certes, l’article 191 vise à protéger les « fonctions biologiques, hydriques et climatiques, ainsi que le potentiel agronomique » des sols, mais il ne hiérarchise pas les priorités. Recentrer la lutte contre l’artificialisation des sols autour de sa fonction climatique permettrait d’abord de renforcer le portage politique de l’objectif ZAN à long terme, mais surtout de le rendre plus opérationnel et mesurable (métrique émission et stockage carbone).
Ainsi, pour que le stockage carbone soit pris en compte dans les politiques d’urbanisme, La Fabrique de la cité propose trois grandes orientations : donner la priorité à l’objectif climatique dans la définition légale de l’artificialisation et de la compensation, faire des stocks de carbone des sols un critère déterminant tant dans l’élaboration des différents documents de planification territoriale (PLU, SCoT), renforcer juridiquement la protection des sols aux stocks de carbone élevés via l’établissement d’une nomenclature nationale des sols selon leur stock de carbone permettant d’identifier les sols à préserver en priorité et la création d’un nouvel outil juridique pour les collectivités locales baptisé « Protection des espaces à fort potentiel carbone » s’inspirant du modèle des protections des espaces naturels et agricoles périurbains (Penap).
Élaborer une vision stratégique de l’aménagement du territoire
La mise en œuvre de l’objectif ZAN permettra donc de réduire les émissions directes liées à l’artificialisation. Cet objectif s’inscrit dans une approche systémique de long terme visant à développer des formes urbaines moins émettrices en carbone. À ce titre, le ZAN vient renforcer de nombreux objectifs existants tels que la densification des tissus urbains, la rénovation des logements vacants, la réhabilitation des friches, etc.
Si ces mesures sont en concordance les unes avec les autres, les mettre en œuvre simultanément provoque une certaine complexité. Cela suscite également de nombreux questionnements pour les élus locaux et les acteurs du territoire. Il est notamment question de savoir comment adopter les stratégies de développement à ces nouvelles réglementations.
Ces acteurs doivent être accompagnés pour construire une nouvelle vision stratégique de l’aménagement du territoire, répondant aux enjeux écologiques, sociaux et économiques. C’est dans cette optique que La Fabrique de la cité présentera deux nouvelles notes : la constitution d’un marché des droits à artificialiser visant à faciliter la mise en œuvre opérationnelle de cette politique ; le développement de nouvelles stratégies foncières permettant de concilier cet objectif avec les besoins économiques et sociaux des territoires.
Article issu du numéro 185 de Business Immo Global.
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