Quand les RH partent à la conquête du futur

14 septembre 2035, 8h28. Margaux débute sa journée par une analyse des 2  300 candidatures reçues depuis qu’elle a posté l’offre d’emploi sur Instagram la veille. Quinze ont été retenues par HeadHunter, son robot recruteur. Elle se ressert un rooibos yuzu et commence à passer en revue les candidats. Beaucoup de profils très intéressants et variés (pour une fois) pour ce poste de Psy Designer, pense-t-elle, dont celui de cette femme, Jenna, qui a appris la communication interculturelle pendant cinq ans à des réfugiés climatiques en Australie. Margaux jette un coup d’œil dans ce qu’on appelle « le purgatoire » : il s’agit des candidats qui ont été recalés parce qu’ils ne remplissaient pas un ou plusieurs critères jugés essentiels par HeadHunter. Pour chaque poste, elle peut « repêcher » jusqu’à dix candidatures qui ont été recalées par l’algorithme de tri implémenté dans la machine. Une prérogative qu’elle ne se prive pas d’utiliser, et un travail qui peut faire toute la différence. Margaux s’intéresse en particulier à un candidat : Julien, multi-actif de 33 ans qui travaillait précédemment en tant que contrôleur aérien, rédacteur de débats et enquêteur pour une boîte de production. L’intelligence artificielle (IA) a recalé sa candidature pour « instabilité professionnelle » sous prétexte que Julien a quitté le salariat et que le poste demande un engagement de quatre ans minimum, peu importe que le jeune homme, désormais père d’une petite fille, ait déclaré dans sa vidéo de motivation souhaiter « pouvoir se projeter dans le futur ». Par ailleurs, en fouillant, Margaux note que Julien a fait état de plusieurs engagements associatifs et a participé à la 300e marche pour le climat. Mais c’est 100 % compatible avec les valeurs de l’entreprise, ça ! Rien que ça devrait faire repasser ce profil dans la liste des candidats potentiels. Pour en avoir le cœur net, Margaux décide de refaire passer elle-même un entretien d’embauche à Julien dans le Métav’RH et décide de lui confier le job. Il est bon que ce satané logiciel – qui aurait bien besoin de faire un tour à la clinique de l’IA du coin – ne décide pas de tout, pense-t-elle en éteignant son casque de VR.