Les enseignes hôtelières et les propriétaires d’hôtel négocient régulièrement dans le cadre de contrat de gestion hôtelier ce que les professionnels de l’hôtellerie appellent le « key money ».
C’est le cas, lorsque les enseignes hôtelières mises en concurrence par les propriétaires dans leur appel d’offres, sont disposées à investir significativement dans la gestion à long terme sur des sites d’exploitation hôteliers hauts de gamme qu’elles jugent stratégiques pour le développement de leur réseau hôtelier.
Le key money peut être défini comme une contribution financière de l'exploitant hôtelier au coût global d'investissement assumé par le propriétaire pour le développement de l'hôtel.
Souvent considéré comme une preuve de l'intérêt réel de l'opérateur hôtelier pour l’exploitation d’un établissement spécifique, le key money peut constituer une ressource précieuse pour permettre à une enseigne hôtelière de se développer sur de nouveaux marchés et des sites stratégiques, sans y consacrer des coûts de développement élevés. L’enseigne pourra ainsi notamment investir sur un hôtel sélectionné pour en faire son « flagship ».
Pour les hôtels déjà en exploitation, le key money peut être proposé par l’enseigne hôtelière au moment de la signature, ou bien après que des investissements financiers (recommandés par le gestionnaire tels que des travaux de rénovation par exemple) aient été réalisés par le propriétaire.
Pour les hôtels en création, le key-money est le plus souvent négocié comme constituant le dernier financement disponible pour le propriétaire. Il est acquitté par le gestionnaire à l'ouverture de l'hôtel. Dans le cas d’un financement avec un recours à la dette bancaire, l’obtention d’un key money permettra de mieux maitriser le « Loan to Cost » (ou « Loan to value ») et d’obtenir de meilleures conditions financières.
Le Key Money qui est une sorte de contribution financière du gestionnaire, peut-il créer une ambiguïté sur la nature juridique des relations entre le propriétaire et le gestionnaire ?
Leur relation a priori uniquement contractuelle pourrait tendre par ce biais à prendre la forme de relations d’associés selon la formule d’assistance ou d’avance financière négociée.
Rappelons que le gestionnaire veut essentiellement gérer l’hôtel (« We want primarily manage » entend-on parfois des enseignes étrangères), ce qui est son objet social.
D’une façon générale, les gestionnaires plutôt que toute formule de prêt ou d’avances, notamment sous forme de key money, préfèrent dans leurs négociations opter pour des concessions sur leurs commissions en accordant des franchises ou des réductions.
D’un autre côté, les engagements du gestionnaire sur le key money, le minimum garanti, ou bien le test de performance, peuvent être ressentis par le propriétaire comme des facteurs d’implication supplémentaire du gestionnaire avec une prise de risques dans la gestion de son hôtel, ce est de nature à le rassurer.
Dans la négociation à venir, le propriétaire s’interroge sur les engagements du gestionnaire. Qu’est-il prêt à accepter et jusqu’où peut-il aller ?
En pratique on le voit bien, comme pour tous les points négociés d’un contrat de gestion hôtelier, la négociation du key money se fait aux dépens ou en contrepartie de quelque chose d'autre, comme par exemple : le taux de commission plus élevé et/ou une durée de contrat plus longue.
Notamment, il existe presque systématiquement un arbitrage entre un key money et un minimum garanti qu’il faut trancher avant d’entrer dans le processus de la négociation avec l’enseigne hôtelière : l’obtention des deux par le propriétaire (dans des proportions satisfaisantes) est plutôt de l’ordre de l’exceptionnel.
Du point de vue du propriétaire, le key money et le minimum garanti, répondent tous les deux à une exigence d’un alignement des intérêts. Si le key money peut répondre à un besoin de financement pour boucler l’investissement initial, il est généralement moins recherché dans le cas d’un hôtel existant, bénéficiant d’un historique de performances et en recherche d’un nouveau gestionnaire.
Par rapport au minimum garanti, le key money n’assure en effet pas un rendement sécurisé que le propriétaire mettra en avant par exemple quand il est un investisseur institutionnel ou si son investissement est adossé à un financement bancaire.
En outre, on note que plus le key money apporté par l’opérateur est élevé, plus ses honoraires de gestion seront élevés (% du CA, % du RBE etc.) et / ou la durée du contrat allongée, ce qui incite l’opérateur à compenser l’apport en cash initial (calcul de NPV).
Le propriétaire doit se déterminer s’il veut privilégier un rendement sécurisé avec un minimum garanti. Ainsi, en cas de cession de l’hôtel, un rendement sécurisé constituera un point fort dans sa négociation avec son candidat acquéreur. Ce dernier le verra comme une garantie appréciable pour financer cette acquisition. Il faut donc appréhender la stratégie personnelle du 1er propriétaire et notamment savoir avant la négociation du contrat avec le gestionnaire, s’il entend sortir du contrat de gestion hôtelier à plus ou moins court terme.
Côté propriétaire, il faut prendre en compte également l’impact du key money sur son bilan / charge d’amortissement (linéaire) sur la durée du contrat. On s’interrogera sur la nature comptable du key-money : dettes ou quasi fonds propres… le key money sera traité comme une aide qui peut être imposable immédiatement par une comptabilisation en compte du résultat P&L.
En outre, presque tous les gestionnaires exigent du propriétaire qu'il s’engage à rembourser au prorata le montant du key-money restant dû, ou d’une partie convenue (avec ou sans intérêt) si le contrat est résilié de façon anticipée.
Exemple de clause standard de key money dans un contrat de gestion hôtelier Le key-money pour plus de clarté, est appelé ici « Participation financière » du Gestionnaire (En effet, les contrats de gestion hôteliers en France étant soumis au droit français, on prendra garde dans le contrat de gestion hôtelier, quand il est rédigé en français, à ne pas trop cumuler les termes anglais/américains, susceptibles de créer un aléa supplémentaire sur leur interprétation en cas de contentieux, vu les enjeux et la relative technicité du contrat en question, généralement volumineux + ses annexes…)
Le Gestionnaire accepte de payer au Propriétaire sur le compte dénommé « Compte de Préouverture », une participation financière forfaitaire (la "Participation Financière" ou « Key-money ») destinée à financer les frais de pré ouverture et d’inauguration de l’Hôtel sous l’Enseigne. Cette somme sera versée par le Gestionnaire à la signature du Contrat dans des délais permettant le paiement des frais d'inauguration aux différents fournisseurs, conformément aux dates d'exigibilité de leurs factures.
Le montant de la Participation Financière forfaitaire est de …… € hors taxes.
La Participation Financière sera amortie d'un commun accord de façon linéaire sur la durée du Contrat, soit ……………€ par an. [à développer ou envisager les autres options d’amortissement]
Le Propriétaire s’engage à reverser au Gestionnaire la quote-part non amortie de la Participation Financière arrêtée à la date de l’évènement concerné dans chacun des cas suivants :
- résiliation du Contrat avant son terme, quelle qu’en soit la raison, qu’elle soit volontaire ou involontaire (hors résiliation résultant d’un manquement substantiel du Gestionnaire à ses obligations contractuelles ou
- résiliation résultant d’un manquement du Gestionnaire au Test de Performance) ; ou
- tous autres évènements de remboursement anticipés tels que prévus au Contrat
Observations anecdotiques sur le Key money comparé à notre notion de pas de porte français applicable au bail commercial : similitudes et différences
La pratique du key money se rapproche de la pratique en France du pas-de-porte payé par le locataire à l’occasion de la conclusion d’un bail commercial.
Le « pas-de-porte » ou « droit d’entrée » versé par un locataire lors de son entrée dans un local commercial est un usage très ancien qui remonte au temps des corporations : le nouvel arrivant venant exploiter un métier ou un local payait une certaine somme, soit à son maître, soit à son propriétaire.
Cette pratique a perduré jusqu’à la seconde guerre mondiale, avant d’être peu à peu délaissée.
A partir des années 1990, le pas-de-porte s’est à nouveau développé dans le monde de la distribution, pour des emplacements de forte commercialité. Son usage reste cependant limité aux emplacements spécialement recherchés dans les centres villes ou certains centres commerciaux.
Même si elle n’est pas prévue par les articles L.145-1 et suivants du Code de Commerce régissant les baux commerciaux, la pratique du pas-de porte est tout à fait licite. Cependant, il ne peut être contrôlé par le Juge et son montant est libre.
Pendant longtemps, le montant du pas-de porte a été exprimé en nombre de mois ou années de loyers, avant d’être simplement défini par une valeur en numéraire, décorellée du loyer.
La nature juridique du pas-de-porte reste controversée en doctrine et jurisprudence.
Pour certains, il s’agit d’une forme de loyer payé d’avance.
Pour d’autre, le pas-de-porte est destiné à compenser des avantages perdus par le bailleur :
- par ex, une durée de bail longue représentant un inconvénient pour le bailleur, notamment avec un engagement à un ou plusieurs renouvellements,
- ou encore des charges et conditions du bail entraînant une minoration de la valeur vénale du bien pour le bailleur : ex : bail tous commerces, faculté de cession libre, absence de dépôt de garantie…
La qualification a donc une incidence sur le traitement comptable et fiscal du pas-de-porte, aussi bien pour le bailleur que pour le locataire. On retrouve ainsi des questions et des considérations identiques dans la pratique du key money.