Business Immo : Comment AOS Studley traverse-t-il la crise ?
Gilles Betthaeuser : « Plutôt bien. Nous devrions enregistrer cette année une progression de 20% de notre chiffre d’affaires qui atteint 70 M€ pour le groupe (dont 37 M€ pour la France) et de 50% de notre profit. Certes, nous subissons les conséquences de la dégradation économique qui se traduisent par une pression sur les prix de nos prestations. Cependant, la crise nous conforte dans notre business model. La défense des intérêts des utilisateurs est notre credo, et nous profitons clairement du rapport de forces devenu plus favorable à ces derniers afin de les accompagner dans leur politique de rationalisation immobilière. Nous bénéficions également de notre approche des problématiques des grands utilisateurs pour lesquelles un projet immobilier devient le catalyseur de tous les enjeux de l’entreprise, en termes économique, financier, social, marketing… Notre appréhension globale de ces enjeux nous permet de nous différencier des brokers qui restent axés sur une vision très immobilière du marché. Enfin, nos bons résultats sont aussi le fruit de notre dynamique commerciale, de ce que l’on a semé par le passé. Nous travaillons sur un petit nombre de grands clients, environ 150 utilisateurs, qui ont un besoin de conseils multiples autour de la thématique immobilière. La question que l’on doit se poser maintenant est de savoir ce qui nous attend en sortie de crise. Quand le rapport entre bailleurs et utilisateurs va s’équilibrer, voire s’inverser. »
BI : Quel regard portez-vous sur l’évolution du métier de conseil aux utilisateurs ?
GB :
C’est un marché extrêmement ouvert, sans barrière à l’entrée, avec un nombre important d’acteurs ayant des positionnements différents. Ce marché se structure toutefois sous l’impulsion notamment des grands brokers qui vertèbrent leurs organisations en déployant des activités de type « corporate solutions », dans un souci de capter la relation clients dans la durée, et d’optimiser la chaîne de création de valeur. Ce mouvement de fond participe à une accélération de l’évolution des métiers de services immobiliers, avec pour corollaire une amélioration sensible des prestations offertes. Nous nous positionnons comme des résultants, avec un engagement de performance plus difficile à obtenir aujourd’hui qu’hier… l’immobilier n’est, en effet, pas réductible à la seule dimension financière. Pour l’utilisateur, c’est un écheveau de différentes contraintes : économique, financière, organique, sociale, juridique… Un projet de déménagement est le catalyseur de toutes ces contraintes. Il peut cristalliser le dialogue social, avec souvent d’importantes résistances au changement en interne. Il peut mettre à nu des incohérences ou des lenteurs dans le process opérationnel des entreprises qui se répercutent dans la difficulté de certaines à prendre une décision. Ce sont tous ces aspects qu’il faut prendre en considération pour réussir un projet immobilier. C’est une course d’obstacles dans laquelle on n’a pas le doit de renverser une haie. »
BI : Toutes ces problématiques peuvent-elles être abordées par un seul conseil ?
GB :
« Un positionnement 100% utilisateur m’apparaît nécessaire, mais pas suffisant. L’immobilier d’entreprise est devenu un marché plus complexe. Ce n’est pas seulement une question de désintermédiation. Nous discutons régulièrement en direct avec les bailleurs aussi bien pour négocier tel ou tel immeuble que pour les aider à mieux mettre en perspective les besoins des utilisateurs. L’enjeu pour nous réside dans la compréhension de la demande des entreprises au regard de leur activité et de leurs perspectives d’évolution dans l’incertitude économique actuelle. Toutes recherchent une efficience dans l’occupation des mètres carrés et des gisements d’économies de loyers. Mais ces préoccupations doivent s’inscrire dans une logique d’amélioration de leur efficacité opérationnelle, s’adapter au mode de management et même explorer de nouvelles pistes. Les entreprises veulent plus de fluidité, plus d’efficacité. Cela peut s’avérer parfois contradictoire avec un objectif de réduction des mètres carrés. L’optimum en matière d’environnement de travail ne veut pas dire le minimum. Pour appréhender tous ces sujets, AOS Studley a su intégrer des compétences interdisciplinaires et reste bien placé dans l’offre de services à disposition des utilisateurs. Néanmoins, nous devons nous renforcer. »
BI : Dans quels domaines ?
GB :
Essentiellement dans trois domaines : dans l’ingénierie financière en premier lieu. « Nous voulons intégrer des compétences en Corporate Finance pour aborder les questions liées aux aspects économiques et financiers d’un projet. Dans le Management Consulting également pour mieux problématiser les enjeux organisationnels de nos clients et leur apporter des réponses sur le volet immobilier. Sur un plan technique enfin : faute d’offres adaptées sur le marché, de nombreux utilisateurs se tournent vers le développement d’opérations. Chez AOS Studley, nous assistons, cette année, le montage de 160 000 m² de bureaux à construire. Il nous faut renforcer nos compétences techniques pour dialoguer à armes égales avec nos prestataires et les challenger au profit de nos clients. Par exemple, les réglementations environnementales rendent les coûts constructifs plus difficiles à appréhender dans le bouclage de CPI (contrat de promotion immobilière) avec les promoteurs.
BI : Vos missions deviennent plus complexes ? Sont-elles plus rémunératrices ?
GB :
« La volonté d’AOS Studley est d’aller sur des missions complexes, où nous avons un réel savoir-faire, avec un souci de création de valeur pour nos clients. Notre challenge est de nous faire rémunérer au juste prix. J’ai le sentiment qu’on s’en sort plutôt mieux que les autres. »
BI : Le rapport utilisateur-bailleur va s’inverser un jour ou l’autre. Cela peut-il remettre en cause ou, à tout le moins, faire évoluer votre business model ?
GB :
« Je suis davantage inquiet pour nos clients. La raréfaction de l’offre neuve de bureaux en Ile-de-France, à partir de 2012/2013, va inévitablement tendre les rapports entre bailleurs et preneurs. Cela sera un peu plus compliqué à court terme pour nous. Mais, il s’agit d’une frange du marché. Car, dans le même temps, de nombreux immeubles libérés vont abonder le marché et il faudra se poser la question de la restructuration d’une partie du parc existant. AOS Studley ne s’interdit pas d’intervenir sur ce marché spécifique.
BI : Quel regard portez-vous sur la maturité des directeurs immobiliers ? Leur montée en puissance sert-elle votre activité ?
GB :
« Ce qui me frappe, c’est la défiance de nombre d’entreprises vis-à-vis de l’immobilier. La fonction de directeur s’est sensiblement professionnalisée, mais les entreprises restent parfois sous-équipées en termes de compétences. Les directeurs immobiliers jouent un rôle essentiel dans la professionnalisation des métiers de l’immobilier et dans la restauration de l’image de cette activité au sein des entreprises. Les enjeux financiers sont très forts, mais peuvent rester anecdotiques en termes d’impact sur l’activité de certains utilisateurs. Il faut aussi pouvoir se faire entendre par le comité exécutif. Souvent, c’est l’échéance d’un bail qui peut être un révélateur par rapport à une réflexion immobilière. Avant, ce n’était pas forcément un sujet stratégique pour les directions générales. »
BI : Depuis votre rapprochement avec Studley, AOS dispose d’un réseau international. L’immobilier d’exploitation se pense-t-il à l’échelle internationale ?
GB :
« Les groupes anglo-saxons abordent souvent l’immobilier d’exploitation avec une vision globale. Ils mettent en place des politiques de gestion à l’échelle internationale, avec le recours à des consultants mondiaux, des guidelines identiques et des process harmonisés. Les groupes français ont, me semble t-il, une approche plus pragmatique et plus empirique, en privilégiant la performance par rapport aux processus. Quelle que soit leur philosophie, ces deux profils d’entreprises ne peuvent ignorer la sacro-sainte dimension locale de l’immobilier. Le rapport de l’immobilier à l’environnement de travail n’est pas le même d’un continent à l’autre, d’un pays à l’autre. Il y a un sens à disposer d’une couverture mondiale, avec des équipes sur place, pour accompagner nos clients dans leurs problématiques. Chez AOS Studley, nous travaillons avec plus de 20 directions immobilières dans plus de 10 pays. »
BI : Qui seront vos concurrents demain ?
GB :
« Les mêmes qu’aujourd’hui. La concurrence avec les brokers va s’intensifier à mesure qu’ils développeront leur département Corporate Solutions. Les conseils en organisation, management et stratégie vont venir naturellement sur le terrain immobilier où se font jour des problématiques de plus en plus liées à la stratégie de l’entreprise. Les métiers plus techniques, comme les conseils en ingénierie, approchent également les utilisateurs. Tout cela concourt à renforcer l’offre à destination des utilisateurs et ne peut donc que renforcer la demande et développer ce marché. C’est pourquoi je m’en réjouis. Je suis convaincu que, d’ici 5 ans, l’approche globale aura vécue. Les clients attendent des experts dans chaque domaine. Chez AOS Studley, nous voulons capitaliser sur nos deux principaux actifs. Le client, d’abord. Quand on créé de la valeur pour son compte, on créé de la récurrence de chiffre d’affaires pour nous. Notre positionnement ensuite. Nous sommes un acteur multi-culturel, multi-expertise. »
1 juillet 2010 | 7:53 CET
AOS Studley - Gilles Betthaeuser :« Renforcer l’offre à destination des utilisateurs ne peut que renforcer la demande et développer ce marché »
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