Business Immo : Vous êtes l’auteur d’une proposition de loi sur l’urbanisme commercial. Une de plus ?
Patrick Ollier : Si cette proposition de loi est votée par l’Assemblée nationale et le Sénat, il n’y aura alors plus de raison pour légiférer sur l’urbanisme commercial ni sur l’urbanisme tout court.
Je vous rappelle, à ce propos, que la succession des lois sur ce sujet (les lois Royer de 1973 et Raffarin de 1996) n’a pas empêché l’urbanisme commercial de se développer dans le sens d’une véritable anarchie qui, au fil du temps, a eu pour effet non seulement de restreindre la concurrence mais surtout de désertifier nos centres-villes et d’enlaidir nos faubourgs par la création de véritables métastases urbaines.
Tout cela est terminé avec ce texte qui nous permet de réformer, de manière définitive, le droit de l’urbanisme commercial en l’intégrant dans le code de l’urbanisme.
BI : C’était aussi la volonté du député Jean-Paul Charié qui s’était emparé du sujet il y a deux ans. Les annonces n’ont-elles donc pas été suivies d’effets ?
PO : J’avais travaillé, avec le député Charié, rapporteur sur la loi de modernisation de l’économie (LME), sur cette réforme de l’urbanisme commercial. Cette loi, promulguée en août 2008, avait le grand mérite de permettre un débat sur les règles relatives à l’urbanisme commercial. Mais ainsi que l’avait d’ailleurs pointé Jean-Paul Charié, les règles adoptées à cette occasion ont rapidement montré certaines imperfections et limites propres à continuer de favoriser le développement des « zones à prédominance commerciale » situées à la périphérie des villes au détriment des « zones de centralité » dont la vocation multifonctionnelle ne cesse de s’amenuiser.
Au cours des débats sur la loi LME, le gouvernement nous avait donné sa parole de revenir, dans les six mois, avec un texte réformant le droit de l’urbanisme commercial. Mais deux ans après la promulgation de cette loi, cet engagement n’avait pas été tenu. Avec une trentaine de députés, nous avons voulu rappeler au gouvernement sa promesse et lui proposer une base de discussions dans l’hémicycle.
BI : La loi LME avait même ouvert une brèche en matière d’autorisations d’implantations commerciales…
PO : Effectivement, la loi LME avait instauré une période de transition au cours de laquelle s’étaient engouffré un certain type d’enseignes pour créer des surfaces commerciales très nombreuses. Mais une circulaire a mis un terme à cette période d’excès. Aujourd’hui, nous ne voulons plus avoir de problèmes d’autorisations commerciales. Nous souhaitons que seul le permis de construire y réponde.
BI : Quelles sont les grandes lignes de cette proposition de loi ?
PO : L’idée générale proposée par la Commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale consiste à transcrire, dans le code général de l’urbanisme, l’ensemble des dispositions relatives à l’urbanisme commercial. Pour deux raisons essentielles. Tout d’abord, il s’agissait de se soumettre aux directives européennes en la matière. Directives qui ont joué le rôle de déclencheur de cette réforme de l’urbanisme commercial. Ensuite, les élus avaient les plus grandes difficultés à s’y retrouver avec le système qui préexistait.
Nous avons envisagé, dans cette proposition de loi, plusieurs cas de figures. Si un schéma de cohérence territoriale (SCOT) existe, ce qui représente le périmètre le plus important pour définir une stratégie d’implantation commerciale, alors, c’est le SCOT qui fixera les principes généraux de l’aménagement commercial. Une fois ces principes fixés, les plans locaux d’urbanisme (PLU) déclineront, au niveau de la parcelle, les orientations ainsi fixées.
BI : Et que se passe-t-il si nous ne sommes pas en présence d’un SCOT ?
PO : Je vous rappelle, qu’aujourd’hui, ce sont 10 millions de Français qui sont couverts par 82 SCOT. Mais dans un délai de deux à trois ans, 43 millions d’habitants seront couverts par quelques 400 SCOT. En effet, 23 sont en cours d’obtention, 176 en cours d’élaboration et 119 SCOT en projet. Nous avons donc choisi la méthode la plus simple et la plus large possible.
Mais prenons le cas où il n’existe pas de SCOT. Dans ce cas, et sous réserve que l’on se situe dans le périmètre d’un établissement public intercommunal, ce serait au PLU intercommunal applicable à l’ensemble de l’établissement de définir ces règles d’autorisation d’urbanisme liées à l’activité commerciale. Troisième cas de figure : l’établissement public intercommunal n’est pas doté d’un PLU, nous avons imaginé de créer une compétence spécifique lui permettant de fixer les principes généraux de l’aménagement commercial. Enfin, quatrième cas de figure, plus rare, s’il n’y a ni SCOT, ni PLU, ni intercommunalité, ce serait une Commission régionale d’aménagement commercial (CRAC) territorialement compétente qui délivrerait l’autorisation d’implantation commerciale, dont la composition allierait personnalités qualifiées et élus, ces derniers ayant la majorité au sein de la commission nouvellement créée. Mais ce quatrième cas de figure devrait rester exceptionnel. Dans tous les cas, d’ici deux ans, on ne dénombrera que très peu de communes sans documents d’urbanisme.
BI : En quoi s’agit-il d’une rupture avec le droit de l’urbanisme commercial existant ?
PO : C’est effectivement une rupture importante. D’abord parce ce texte permet de banaliser les autorisations commerciales qui passent désormais dans le régime des permis de construire. Ensuite parce que ce sont enfin les élus qui décident. C’est un progrès considérable. Nous voulons que le commerce soit libre dans ce pays. C’est aussi simple que cela.
Cette proposition de loi constitue également, à nos yeux, un signe fort à envoyer. D’une part, elle rappelle que les engagements pris doivent être tenus, d’autant plus lorsqu’ils le sont à l’adresse de la représentation nationale. D’autre part, elle doit rappeler aux tenants de l’ultra-libéralisme qu’une économie de marché ne peut pour autant s’affranchir de toute règle tant dans ses modalités de fonctionnement que dans ses modalités de mise en œuvre.
BI : Que deviennent les fameuses CDAC ?
PO : Les commissions départementales d’aménagement commercial (CDAC), la commission nationale d’aménagement commercial (CNAC) et les observatoires départementaux d’équipement commercial sont supprimés. En revanche, un observatoire régional d’équipement commercial est créé. Son rôle est de collecter toute l’information sur les installations existantes et d’assurer ainsi la cohérence de la couverture du territoire en termes d’équipements commerciaux.
BI : N’entrevoyez-vous aucune menace, aucun risque d’inflation des autorisations d’implantations commerciales ?
PO : Certainement pas. Le développement des mètres carrés commerciaux sera auto-contrôlé par les conseillers municipaux.
BI : Quel accueil a reçu votre proposition de loi, notamment de la part des professionnels du commerce et de l’immobilier commercial ?
PO : Je crois pouvoir dire que tout le monde est d’accord avec les principes généraux de cette proposition de loi. Ces principes seront ensuite soumis à discussion pour les détails de mise en œuvre.
1 juin 2010 | 18:09 CET
Patrick Ollier - Député UMP et maire de Rueil-Malmaison
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